Interview de Sylvain MARMORAT et Laurence BOYENVAL

INTERVIEW SYLVAIN MARMORAT ET LAURENCE BOYENVAL

THEATRE DES FEUILLANTS- MERCREDI 21 OCTOBRE

16H-17H

 

Clément : Comment est née la compagnie ?

Sylvain : L’aventure a démarré en Juin 1988. On est parti jouer « Le Mendiant ou le chien Mort » de Bertold BRECHT au festival d’Avignon, en stop, sans argent et on s’était installés devant le palais des papes. On a été repérés par l’acteur Henri VIRLOGEUX qui nous a dit « Mais c’est trop beau ce que vous jouez, vous ne pouvez pas rester dans la rue ». C’est alors qu’il nous a emmené au jardin public le rocher des doms. Henri s’est porté caution morale devant les organisateurs. Grâce à lui, on a joué notre pièce 6 fois par jour, 35 minutes jusqu’à fin Juillet. Par la suite, des journalistes ont écrit un article, paru dans « La Marseillaise », s’intitulant : « Magnifique Brecht au rocher des doms ». C’est ainsi que la compagnie a pris le nom que l’on connaît aujourd’hui.

Clément :  Combien de créations sont parues depuis 1988 ? Et quelles ont été les plus marquantes ? Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?

Sylvain : Une trentaine.

Laurence : Je suis arrivée dans la compagnie neuf ans après sa fondation. La pièce qui m’a le plus marqué est « Phèdre, Epilogue ». Cela a été un travail en profondeur, sans objectif de date de création, en petit comité, avec la présence bienveillante et formatrice de Jacques FORNIER.

Sylvain : C’est difficile de citer des anecdotes. Ça fourmille de personnes qui sont arrivées dans la troupe.

Laurence : On a aussi joué « La bataille de Waterloo », « Songes d’une nuit d’été ».

Clément : Merci à vous. Je voudrais à présent connaître votre ressenti par rapport au covid ? Comment voyez-vous l’avenir du monde du spectacle ? Est-ce que la culture doit être d’autant plus valorisée dans cette période ?

Laurence : Bien sûr, d’autant plus maintenant. Le théâtre donne goût à la lecture, il faut l’enseigner. Avec le covid, c’est compliqué. L’énergie et le bonheur reviennent dans les répétitions. On va réussir à tenir le coup. On a beaucoup de dates de répétition et la programmation redémarre en Janvier.

Sylvain : Cet enfermement entre mars et mai était étrange. J’aurais imaginé qu’il y aurait eu un élan de solidarité dans le monde du théâtre après le confinement et je ne le vois pas, je ne le sens pas, chacun se replie. Il y a des questions : comment je vais m’en sortir ? Mais on pense aussi aux gens qui crèvent la faim.

Clément : ça renforce l’individualisme.

Sylvain : Il était déjà là avant.

Laurence : D’où l’intérêt d’enseigner le théâtre au plus grand nombre !

Clément : Si vous deviez convaincre quelqu’un d’intégrer la compagnie ou de s’intéresser à son actualité, en trois, quatre mots ?

Sylvain : Viens donc à la maison, on ne va pas crever tout seul ! (Rires)

Laurence : Toi, on t’a parlé de partage (à Clément). On a monté des spectacles dont « Songes d’une nuit d’été » en 2018, on a formé une équipe, on était ensemble, dans une dynamique de groupe, il n’y avait pas de hiérarchie.

Clément : Ce qui me revient c’est l’aspect non conventionnel, le fait que ce soit une compagnie qui ne soit pas formatée, pyramidale. Et à présent, pouvez-vous nous présenter la programmation ?

Laurence : Le 8 Mars, jour de la journée de la femme, nous présenterons le spectacle de Louise MICHEL au théâtre de la fontaine d’ouche. Cela tombe presque en même temps que le 150 -ème anniversaire de la commune (18 Mars 1871).

Nous présenterons aussi « Le médecin volant » de Molière : trois jours au théâtre des Feuillants, trois jours au théâtre de fontaine d’ouche. Si on y arrive, il y aura 2 représentations par jour (2 scolaires ou 1 scolaire et 1 public s’il reste des places).

Enfin, il y aura également la représentation de « La fille bien gardée » au théâtre de l’Ecrin à Talant. Ça, c’est pour le début d’année, après on verra.

Clément : Quelques renseignements sur vous à présent, sur votre parcours d’étude et professionnel, votre vie avant la compagnie. Est-ce que vous avez vécu à Dijon ? Professionnellement, quelles ont été vos expériences avant la compagnie ? Est-ce qu’elles ont eu un impact sur vos projets ?

Sylvain : Mon grand père était directeur d’école, il me faisait faire de la lecture à voix haute, il nous interdisait de mettre le ton et de réciter. Toute ma scolarité, je levais la main pour lire, c’est tout ce qui m’intéressait. Mon père a voulu que je fasse des études d’assurance, j’ai fait un BTS d’assurance, je suis rentré dans une école de théâtre et j’ai fait le choix d’une vie artistique.

Quand j’étais lycéen, j’étais à Semur en Auxois et l’été, j’étais guide touristique pour la Tour de l’Orle d’Or. Un festival à été créé en Juillet 1982 à Semur, créé par Marcel BOZONNET, qui était à la Comédie Française. C’est là que j’ai vu en 1982 plusieurs familles, plusieurs esprits : « Le Graffiti » une troupe punk dans le théâtre à l’époque. Les autres venaient de Paris, parlaient du théâtre d’une autre manière, c’était un autre monde. Un jour, une actrice de 16 ans, aujourd’hui star internationale dont je tairai le nom, m’avait dit : « on ne peut pas se parler, nous ne sommes pas du même monde ». Et moi là-dedans, où je vais ?

Pour moi, un technicien n’est pas moins important qu’un comédien. Tiens, voici une anecdote pour illustrer mon propos. Au théâtre de Semur, il y avait un disjoncteur à main. Je me rappelle d’une rencontre avec une comédienne parisienne qui ne parlait pas très bien aux technos. Un technicien, qui avait bossé toute la journée sans avoir eu le temps de se laver, se prend un vent par la comédienne. « Vous êtes en retard et en plus vous puez ». Le technicien s’est énervé et au moment où elle est rentrée sur scène, il a baissé le disjoncteur et l’électricité s’est coupée. « Ils vont bien se rendre compte que sans nous, ils ne sont riens » disait-il. C’est à partir de ce moment où je me suis rendu compte que le théâtre, c’est avant tout une équipe.

Laurence : A 6 ans, j’étais déjà une tragédienne dans ma chambre.

Sylvain : Moi un comique de service !

Laurence Un comédien se sert de ses sensations, de sa mémoire sensorielle, de toutes ses mémoires. Nos rencontres sont déterminantes. J’ai appris à servir le personnage et à ne pas le jouer. A partir du moment où on aborde un personnage de cette manière, tout parait évident.

Clément : On va revenir aux valeurs. On a parlé de partage, de rencontres, de vivre ensemble. S’il y avait trois valeurs ou trois mots clés à retenir en priorité ? Et dernière question, est-ce que vous avez d’autres passions ?

Laurence : Pour qu’un spectacle soit bon, il faut dans un premier temps qu’il soit essentiel.

Sylvain : On revient à la formule de COPEAU : « Un tréteau, des comédiens ». La question c’est qu’est-ce qu’on peut s’apporter à nous et apporter aux autres ? L’autre jour, on m’a demandé d’écrire un hommage à Michael LONSDALE : ça a été un de mes grands maîtres et je lui ai dédié ces mots « Amitié, partage, humilité et humour ». C’est ce qui passait entre nous. Michael c’était un Ami.

Laurence : On n’a pas d’autres passions, tu auras remarqué ! (Rires)

Clément : Merci à vous et bonne soirée.

Laisser un commentaire

*